Le repos de la guerrière

Pas baisé depuis trois ans. Au moins. Limite quatre, sans doute.

Alors qu'elle errait dans les rues tencaculaires de la mégalopole, Hayden y pensa en arrière-plan, repoussant cette idée comme de toutes manières totalement inutile. Si elle avait vécu sans ça depuis tout ce temps, pourquoi ne pourrait-elle pas continuer ? De la connerie. De toutes façons, c'est pas comme si elle connaissait cinquante nanas prêtes à se satisfaire d'une barbare dans son genre. La question était, de fait, dénuée de solution et donc close.

A moins qu'elle ne paie. Elle avait du fric, assez pour payer ça et la bouffe. Elle avait toujours plus ou moins écarté cette solution. D'une part, elle avait peu de fric, ensuite, les bars à putes étaient du genre louches, dans le coin, et enfin, putain, c'était quand même toucher le fond. D'un autre côté, c'est plus simple. Pas de risque d'attaches, pas de discussions chiantes, pas de prises de tête débile et on a direct une pro qui, avec un peu de chance, s'y connaît. Dans un sens, c'était la meilleure solution. Bordel. Quelle dèche.

Hayden avait entendu parler du Hell, la sorte d'hypermarché du cul dans le quartier ouest. Presque inconsciemment, c'est dans cette zone qu'elle s'était retrouvée après un voyage en métro merdique. Prendre le métro pour aller tirer son coup.

...

Maintenant devant le bâtiment, elle lui jeta un oeil dans lequel scintillait la lueur du reproche. C'est quand même long, trois ans. Très long. Trop long. Et ce serait de plus en plus long avec le temps. Fait chier.

Balançant sa cinquième clope au sol avant de l'écraser d'un coup du talon, elle décida en une demi-seconde que ces débats d'écolier n'étaient pas digne d'elle. Merde, c'était une dure, elle en avait rien à foutre, alors pourquoi tergiverser pendant des heures sur ces conneries ? Résolue, et n'ayant rien montré de son conflit intérieur, la mercenaire entra sans aucun remords dans ce trou à putes, à rats et à macros. Un bestiaire bien à la mesure de cette foutue ville de mes couilles.

Son truc, à elle, c'étaient les brunettes. Du genre un peu plus petites et plus minces qu'elle, grâcieuses mais pas trop, avec un air bien sombre si possible. L'endroit contenait sans doute plus de mineures que le camp d'extraction de charbon d'un goulag sibérien, mais elle n'était pas vraiment une représentante de l'ordre, alors tout ce qui a l'air d'avoir seize ans ou plus lui convient. En essayant donc de pas trop avoir l'air d'une connasse faisant son shopping à la galerie marchande, elle balaya donc ce merdier de son regard cynique, histoire de voir ce qu'il y avait au menu.

C'était limite pire que dans son imagination. Un tel bordel, on s'attendait au moins à ce que ce soit sinistre, mais même pas. C'était propret, bien organisé, clair et sans bavure, ce qui rendait l'endroit plus malsain encore. Une industrie déshumanisée, gérée par des salopards qu'Hayden buterait volontiers. On pouvait le dire : l'endroit était à l'image de la ville. Dégueulasse. Mais elle n'était pas là pour faire de la morale, puisqu'elle allait également en profiter. C'était con à dire, mais, dans un sens, ce merdier l'arrangeait bien. Elle vivait de la pourriture du monde, alors autant s'y lancer à corps perdu. Elle avança donc vers le couloir du Cash for Sex, puis entra dans l'ouverture dont l'enseigne affichait "Girlz". Une fois à l'intérieur, son regard blasé se baladerait donc sur le matériel, à la recherche de quelque chose qui pourrait convenir à ses critères et, si possible, qui avait l'air d'avoir les mêmes orientations sexuelles qu'elle. Si c'était le cas, elle s'approcherait, à moins que l'autre ne prenne l'initiative. Ca allait être vite fait, bien fait. Hayden n'avait aucune intention de s'éterniser dans ce foutoir.

Considérée comme un objet sexuel par son père pendant toute son enfance, il lui vint à l'esprit qu'elle ne faisait, finalement, que répéter l'histoire. Quelque part, elle aimait à penser qu'elle était dégueulasse, mais pas autant que cette enflure. Rien d'autre que de l'orgueil mal placé destiné à pouvoir se regarder dans un miroir. Au final, elle ne valait sans doute pas vraiment mieux que lui.

Putain. Elle allait là pour ne pas avoir à draguer, et fallait quand même causer de soi-même. Ca la faisait chier, mais grave. Parler avant de faire ça, c'était pas son truc. D'ailleurs, elle avait jamais été très sociale. Un profond sentiment d'inadaptation l'emplit, l'espace d'un instant, avant d'être écraser par un violent coup de talon mental. Assez de niaiseries. Place à l'action. Hayden s'approcha résolument d'une gonzesse qui correspondait plus ou moins à son idéal, c'est-à-dire le genre de brunette sombre qu'on a décrit plus haut. Une fois à portée de tir, elle lui envoya ce qui, sur n'importe quel visage humain, aurait été un sourire. Sur le sien, ça équivalait à un léger étirement des lèvres qu'on devinait se voulant séducteur, sans grand succès, mais au moins, l'intention était bonne.

- Salut.

Sur l'instant, elle ne trouvait pas quoi dire d'autre. C'était plus facile de parler à un mercenaire, clairement. Qu'est-ce qu'elle foutait ici, putain ?

- Ca te branche qu'on monte ?

Ah, elle était loin, la Hayden qui avait explosé l'autre abruti et sa coiffure de défoncé. Ce combat-ci, s'il n'avait pas d'enjeu, était beaucoup plus difficile à appréhender pour l'ex-lieutenant des forces spéciales. La tronche encore cabossée par la baston, elle n'était pas vraiment à son avantage. Mais l'était-elle jamais ? Et puis quoi, merde, elle payait. Même si elle avait été un thon immonde, ce qu'elle n'était quand même pas, l'autre avait pas le choix.

Pensée qui n'était qu'à moitié rassurante, en fait. En attendant, elle se maudit d'avoir l'air d'une pucelle asociale qui n'avait connu que la guerre. Ce qui était, en réalité, presque vrai. Faut pas exagérer, elle était loin d'être vierge.

Voilà qui lui parlait déjà un peu plus. Hayden eut un sourire en coin, du genre carnassier et beaucoup plus sûr, alors que la demoiselle glissait les doigts sur son menton. Ca réveillait un truc en elle. On va pas faire de dessin, mais y'avait pas que du cul. Du moins, elle ne le vivait pas de la même façon. Son truc, c'était la violence, et le sexe faisait pas exception. A partir du moment où il s'agissait pas de faire dans le social, quand on en venait au concret, au dur de dur, au brut, au sauvage et au dégueulasse, elle s'y retrouvait comme un requin dans l'eau. La gamine allait en chier dix fois plus que Joe Lunatik et sa coiffure à la je-bouffe-des-grenades. Pour le Squale, le cul, c'était comme la guerre.

C'est sans doute pour ça qu'elle trouve pas souvent des partenaires, outre le fait qu'elle ait passé les dernières années de sa vie à barouder dans le désert en compagnie de familles qui tentaient juste de survivre et de loubards machos.

Alors, sans se faire prier, elle monta avec elle. Arrivée dans la chambre, elle ferma la porte derrière elle et déposa tranquillement son sac sur le sol, son flingue sur un meuble alors que la fille s'asseyait. Quand elle lui posa la question logique, elle était en train de virer la longue veste en cuir élimée par les voyages, et elle leva légèrement la tête vers elle, avec aux lèvres un sourire du genre à faire peur. D'un coup, elle était plus à l'aise.

- J'ai pas mal de temps à rattraper, alors on va se la jouer à l'impro. T'as de l'imagination, j'en suis sûre.

Hayden, elle marche comme un mec. C'est bizarre à dire, mais c'est vrai. En même temps, qu'est-ce qu'on pourrait attendre d'une gonzesse qui a passé la moitié de sa vie à briser des nuques et à travailler son art de la peinture murale à la cervelle ? Alors, sans concession ni détour - puis elle était pas là pour tergiverser, bordel de merde - , elle s'avança vers le lit et donc vers la fille, face à elle. La surplombant de sa hauteur, elle se pencha en attirant avec toute la douceur et la fermeté nécessaires son visage vers le sien, avant de l'embrasser avec une retenue uniquement destinée à avoir la classe plutôt que d'y aller direct à la barbare. Ce faisant, sa main gauche cherchait - et trouvait, c'est pas comme si elle connaissait pas le paysage - le sein de la jeune femme pour le caresser, pour l'instant par-dessus le vêtement.

Rien que ça, après tout ce temps, ça faisait un putain de bien. Alors, elle allait dores et déjà pousser doucement son employée du soir pour la coucher dos à ce lit effrontément grand, alors que sa bouche passerait de la sienne à sa joue, son cou, son épaule et que ses mains s'affaireraient à dégager sa poitrine. Celle de la fille, pas la sienne, car elle n'avait pas l'intention de se foutre à poil toute seule.

Ca faisait au moins un an qu'elle ne s'était pas couchée ne serait-ce que dix minutes dans un vrai lit, à propos...

Hayden remarqua avec un certain bonheur qu'elle n'avait pas perdu la main. Elle ne répondit rien au commentaire de la jeune fille, parce qu'elle n'en n'avait rien à foutre et qu'elle était concentrée sur son sujet. Quand la mercenaire baise, c'est simple, son cerveau se compartimente selon deux fonctions qui ne laissent aucune place à la parole :

- La baise elle-même, évidemment;
- L'attention sur ce qui les entoure, afin d'éviter de se faire buter en pleine action.

Ainsi, elle avait gardé son flingue dans son champ de vision, du coin de l'oeil, et, alors même qu'elle se redressait légèrement avec un sourire en coin un peu interrogateur, les mains appuyées de part et d'autre de la prostituée, elle remarqua l'heure qu'il était, qu'un des tiroirs était mal fermé, et ...

... Qu'elle n'avait jamais vu une personne embrassant aussi bien depuis au moins dix ans. C'était même pas sûr qu'elle en ait connu un jour, à bien y repenser. Comprenant la raison pour laquelle il fallait qu'elle attende et jugeant qu'effectivement c'était une bonne idée, elle ne se fit pas prier pour dézipper le reste de la robe en un mouvement qui tenait autant d'une caresse que d'un geste purement utilitaire, directement suivi d'autres caresses et de baisers bien placés.

Elle recula ainsi jusqu'à enlever la robe, repassa doucement sur l'entièreté de son corps avant de se redresser puis, à nouveau debout devant le lit, l'attrapa pour l'amener vers le bord en un coup de façon à ce que ses jambes puissent pendre dans le vide, suffisament rapidement pour exprimer sa bestialité et suffisament doucement pour ne pas lui faire mal, lui jetant un sourire prédateur et lourd de menaces après l'avoir à nouveau embrassée. Elle ne dit rien, mais on comprenait : la gamine avait intérêt à s'accrocher. Une sorte de machisme féminin bizarre résumé en une seule expression faciale, quoi, juste avant qu'elle ne pose un genou au sol comme elle l'aurait fait pour se mettre à couvert tout en continuant à canarder.

Ainsi stratégiquement placée, elle s'affaira à motiver la demoiselle encore un peu plus, l'embrassant d'abord au niveau de la ceinture pelvienne, de l'intérieur des cuisses, pour se rapprocher graduellement, et horriblement lentement, de la zone qui l'intéressait. Rapide jusqu'ici, elle agirait doucement mais sûrement, gardant toujours à l'esprit de la laisser un peu plus sur sa faim à chaque seconde. Car ouais, même chez les putes, Hayden s'inquiète du plaisir de l'autre. Pas par générosité, on vous rassure. Simplement pour satisfaire son égo. Elle comptait bien pousser la gamine dans ses derniers retranchements.

Visiblement, la gamine appréciait. Tant mieux : quelqu'un qui aime son boulot est toujours plus efficace. Hayden, par exemple, aimait son boulot... Et baiser juste après avoir démonté la tronche d'un débile semblait presque décupler les sensations. Elle s'en était pris dans la gueule, son arcade ouverte la lançait encore par moments, l'adrénaline s'était dissipée depuis longtemps. Pourtant, les deux cocktails de sensations à à peine plus d'une heure d'intervalle semblaient s'être mélangés, en formant un troisième, explosif et brûlant.

Une pensée qui peut sembler ridicule traversa son esprit alors qu'elle suivait l'inversion des rôles proposée par la jeune fille, sans résistance, et qu'elle s'asseyait sur le lit : elle était vivante.

Violence et cul. Deux principes vitaux essentiels qui, individuellement, valaient déjà la peine de rester en vie. Inutile de dire que leur combinaison, ou leur succession rapide, était carrément de l'ordre de l'expérience mystique.

Ses yeux se fixèrent dans ceux de sa partenaire. Un regard qui flambait d'un feu d'enfer, dur mais chaleureux, sauvage mais tendre. Un sourire en coin comme elle en avait le secret illumina son visage d'un trait humoristiquement cynique.

- J'attends de voir...

Elle resta assise. Se coucher sur le dos aurait fourni une ouverture et un abandon bien trop importants, et en plus, cette position lui donnerait vue sur la porte et sur les flingues si jamais ils devaient servir.

Un long soupir émana d'entre ses lèvres alors qu'elle se cambrait, mouvement suivi par un déhanché destiné à s'approcher encore un peu plus de sa partenaire. Ses mains caressèrent ses cheveux, puis sa nuque, la ramenant vers elle en un geste de désir à peine contrôlé. Hayden ne retiendrait pas les gémissements qui allaient s'échapper alors que la chaleur de son bas-ventre envahi d'un intense plaisir montait en flèche.

On aurait presque dit, sur le moment, qu'elle s'adoucissait un peu. Petit à petit, elle sembla baisser partiellement sa garde, s'abandonnant aux sensations qui prirent bientôt toute la place. Sa paranoïa finit par disparaître, elle oublia la porte, les flingues, envoyant toutes ces conneries ballader d'une seule pensée rendue trouble par l'action des hormones et des endorphines.

C'était clair : pendant les minutes qui allaient suivre, Hayden serait toute à elle.

Hayden passait un bon moment. Si, si, vraiment. Pour la première fois depuis des années, elle allait bien, elle ne pensait presque plus en termes de violence, elle était détendue. La nuit s'annonçait longue et la mercenaire allait sans doute en avoir pour son argent lorsque les coups de feu retentirent, provoquant sans doute la sortie de lit la plus rapide que la prostituée n'avait jamais observé et la mise en route de tous ses systèmes de combat, en premier lieu son viseur tête-haute dès qu'elle saisit le pistolet, une fois culotte et t-shirt remis dans la foulée de son redressement.

Visiblement, le problème ne semblait pas concerner sa chambre, et elle aurait aussi bien pu laisser faire. D'un autre côté, ça allait sans doute très rapidement virer à la guerre mondiale dans le coin. Elle finit de se rhabiller en quatrième vitesse et à moitié n'importe comment, l'esprit encore grisé par l'acte sexuel qui précédait.

Putain, aurait-elle un jour droit à un peu de... De paix ?

Elle jeta un regard vers la jeune fille, et lui passa son pistolet chargé et armé, le tenant par le canon.

- Reste ici et tu attends que je vienne te chercher, d'accord ? Si quelqu'un passe cette porte avec de mauvaises intentions, tu tires jusqu'à ce qu'il soit au sol et ne bouge plus.

Hayden passa le fourreau du couteau de combat dans son pantalon, et ouvrit son grand sac de voyage pour en sortir le fusil d'assaut. Chargement, armement, en quelques cliquements secs d'un geste professionnel. Ils voulaient la jouer gros calibre ? On allait bien voir. L'arme n'était pas discrète, mais elle était faite pour la guerre et c'était aussi le cas de Squale. Dès qu'elle eut le fusil en main, son VTH s'activa, lui indiquant où ciblait le canon, et elle ouvrit la porte avec prudence de sa main libre, le tenant à l'épaule de l'autre main. Si elle ne voyait rien d'hostile, elle irait jusqu'à la cage d'escalier pour tenter d'obtenir un angle de vue sur ce qu'il se passait en bas, et aviser une façon de sortir de cette merde pour elle et la gamine... Sauf dans le cas où celle-ci aimerait tellement son boulot qu'elle veuille absolument rester.

Hayden s'accroupit à l'un des coins de l'escalier, le flingue prêt. Profitant de sa discrétion, elle resta parfaitement immobile en attendant de voir quel développement allait prendre les choses. En bonne mercenaire, elle avait déjà vu le film : c'est le cyborg timbré au look délire qui gagne contre les abrutis sous-armés. Comme elle n'était pas particulièrement fan de la mafia qui tenait le bordel et pour voir si son anticipation des évènements était la bonne, elle allait laisser faire... Pour l'instant.

Elle se tenait évidemment prête à réagir en cas de problème, qu'il s'agisse d'intentions hostiles du rasta à son égard où à l'égard de personnes qu'elle jugerait dignes de son intervention.

Finalement, Hayden et le cyborg n'avaient pas vu le même film. Ca rendait la situation presque décevante et elle baissa son fusil, les yeux fixés pendant quelques secondes sur le cadavre mi-cybernétique mi-organique. Voilà ce qui arrive quand on se transforme en grille-pains. La mercenaire avait toujours fait gaffe à ne pas céder à l'escalade malgré l'attrait des implants et autres ajouts : elle était restée majoritairement naturelle et n'avait fait installer que le minimum nécessaire. Elle était déjà assez cinglée pour ne pas risquer la cyberpsychose en plus du reste.

L'appel de l'officier qui demanda à un autre d'appeller les forces gouvernementales la fit sortir de ses pensées. Elle se redressa et grimpa résolument les marches pour retourner dans la chambre dont elle ouvrit la porte doucement. Pour ne pas se faire flinguer avec son propre pistolet, elle pensa à s'annoncer.

- C'est moi.

Hayden entra et s'approcha de la jeune fille pour tendre la main afin de récupérer son pistolet.

- Un taré qui a trop regardé Terminator, dit-elle pour toute explication en reposant les armes sur la commode.

La mercenaire se retourna vers la prostituée et la regarda d'un oeil qui se voulait sûr et séducteur, presque empreint d'une certaine tendresse. L'empathie n'était pas son fort et le fait que l'interruption ait pu refroidir la gamine ne l'effleurait absolument pas. Elle n'allait pas renoncer à sa nuit de repos pour de telles futilités et c'est donc avec un air faussement frimeur qu'elle lui posa l'inévitable question :

- Prête pour le deuxième round ?

Bien entendu, elle avait re-verrouillé la porte et ne comptait pas l'ouvrir de sitôt. Si la Psycho Squad voulait interroger l'ensemble des occupants de l'immeuble, ce dont elle doutait quand même, il faudrait la défoncer.

Et voilà, tout était rentré dans l'ordre. Hayden embrassa la petite avec autant de passion qu'elle et grimpa sur le lit sans se faire prier, restant bien entendu au-dessus. Sa phrase classe avait fait son effet, l'imminence du danger avait titillé ses nerfs sensitifs, ses mains se promenaient à nouveau sur la poitrine bien fournie de sa partenaire... On pouvait le dire, c'était cool. Vraiment.

Ses doigts jouèrent avec le bout d'un sein, puis entamèrent une longue et aventureuse descente vers... BANG.

...

Bang ?!

Hayden redressa brusquement la tête, observant la porte du coin de l'oeil, attendant la confirmation de ce qu'elle avait entendu.

BANG BANG.

Elle soupira, et se redressa comme si elle était montée sur ressort. Cette fois, c'en était trop, bordel de merde.

- Chier, putain fait CHIER !

Elle saisit son fusil d'assaut avec une nervosité palpable, le réarma d'un claquement sec et décida que cette fois, ça allait péter, mais péter grave. C'était la goutte qui fait déborder le vase, la tuile qui fait s'effondrer la charpente, le cyberimplant qui fait péter un câble à l'autre con. Bref, elle allait faire le ménage et peu importe qu'elle ait déjà enlevé ses pompes. Elle ferait ça pieds nus, Die Hard-style.

Se calmant relativement, elle se glissa sur le côté de la porte et la déverouilla en un petit cliquetis. Tenant son flingue à une main pour que la caméra qu'elle y avait ajouté lui fournisse une image sans s'exposer, elle l'entrouvrit doucement...

Pendant ce temps, Hayden se rendait compte qu'elle était vraiment dans la merde. Terminator n'avait pas vraiment pété un fusible et cherchait visiblement quelqu'un. Finalement, elle s'était juste gourrée de film... Rabaissant son fusil, elle referma la porte doucement pour lui laisser le soin de la défoncer lorsqu'il serait là. Alors qu'elle avançait vers le mini-bar d'un pas décidé, elle s'adressa à la jeune fille :

- Planque-toi derrière le lit. Si jamais ça tourne mal, prie qu'il cherche quelqu'un d'autre que toi. N'essaie pas de l'arrêter ou de l'encombrer.

Elle sortit deux bouteilles de mauvais alcool, les débouchonna et en répandit le contenu devant la porte de façon à ce qu'il soit obligé de marcher dans la flaque pour entrer. Non, elle ne comptait pas le faire flamber, ce serait sans doute inutile... Mais si elle pouvait surcharger l'un ou l'autre de ses circuits, c'était toujours ça.

Attrapant le premier objet électrique relié au secteur qui lui venait sous la main, à savoir une lampe de chevet à LED, elle l'explosa au couteau de combat pour rendre les câbles internes accessibles et se planqua derrière la commode, prête à balancer l'objet dans la flaque de liquide conducteur lorsque les pieds du cyborg y seraient. Vu que l'enfoiré était composé en grande partie de métal, il devrait faire un milieu parfait pour la transmission du courant avant qu'elle ne mette le paquet à coups de rafales de balles de guerre.

Hayden écouta arriver le cyborg, toujours planquée assise dos à la commode qui lui offrait un couvert relatif. C'était sûrement du meuble de merde acheté en kit qui n'arrêterait même pas un 9mm du début du siècle, mais c'était toujours mieux que rien. Lorsqu'elle entendit la porte se défoncer, puis les pas dans l'alcool, elle agit directement. Se penchant sur le côté pour avoir un angle de vue en s'exposant le moins possible, elle balança ce qui restait de la lampe vers le liquide.

Redressée en une demi-seconde pour poster son arme au-dessus de la commode, un genou au sol, elle cibla la tête, le réticule accrochant celle-ci sur son ATH. Arme épaulée, la poignée avant déployée et bien en main pour contrôler la rafale, la mâchoire serrée et l'oeil mauvais, elle tira une grosse quinzaine de balles à à peine trois mètres de distance en direction des cyberoptiques, espérant profiter du moment de répit qui lui serait offert par l'électrocution de Terminator pour le rendre définitivement aveugle. Il devait avoir d'autres senseurs, mais on verrait ça plus tard.

Fallait quand même espérer qu'il ait mal. Dans le cas contraire, elle était dans une belle merde, mais c'était pas pire que d'habitude. Bien postée sur ses appuis, elle était prête à plonger par-dessus le lit pour changer de couverture si ça devenait nécessaire...